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Revoir 'comment médiatiser son affaire ?'

Revoir 'quelle relation entre les médias et les lanceurs ?'

Revoir 'médiatisation : piège ou salvation ?'

Poursuivre vers le chapitre 5 :

 

Enquête interne

Médiatisation, piège ou salvation ?

Orienter les projecteurs sur le lanceur se fait parfois au détriment de l’affaire elle-même selon Stéphanie Gibaud. “Pendant qu’on met de la lumière sur le lanceur d’alerte, on ne parle pas de ces problèmes d’évasions fiscales, de médicaments qui tuent... Il faut lancer l’alerte de manière anonyme”, préconise l'ancienne employée d'UBS.

 

Raphaël Halet à  lui apprécié ce soutien médiatique qui reconnaît la portée de son action. Mais le lanceur n'est pas dupe : “ça ne change rien : les avocats, il faut les payer, le travail, il faut en chercher”. Un travail évidemment plus difficile à retrouver après s’être fait connaître en tant que lanceur.

 

Un autre revers auquel sont confrontés les lanceurs est le manque de réaction des autorités face à l’acte rapporté. Même s’il a trouvé l’enquête d’Edouard Perrin “de grande qualité”, une pointe de frustration perce dans la voix d’Antoine Deltour, déçu que le documentaire n’ait “pas suscité une réaction importante”.

 

Il faudra attendre que l’ICIJ - le Consortium international pour le journalisme d'investigation - sorte deux ans plus tard l’affaire des LuxLeaks pour en être satisfait. “Une dizaine de grands médias internationaux qui publient simultanément leur enquête, souvent en Une. Nécessairementl y allait y avoir des répercussions”, commente Antoine.

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Les relations entre lanceurs et médias peuvent être ambiguës. Dans le cas d’Edouard Perrin et Antoine Deltour, les versions divergent sur un événement précis. Antoine Deltour a le souvenir qu’il aurait demandé “de flouter les noms des entreprises, et le nom du cabinet qui m’employait pour limiter mon identification”. Pour sa part, le journaliste se rappelle l’avoir convaincu que, dans le cadre de son enquête, il aurait besoin de montrer le nom des entreprises. “Moi, je ne me rappelle pas de ce point précis”, nuance Antoine Deltour.

 

Quand l’ICIJ - le Consortium international pour le journalisme d'investigation - publie l’ensemble des documents en ligne, le lanceur prend peur : “je me rendais bien compte que la réaction au Luxembourg allait être un peu plus agacée qu’après seulement le documentaire de Cash Investigation”.

 

“Il m’avait promis l’anonymat, il l’a toujours respecté”

 

Edouard Perrin utilise néanmoins différentes procédures de relations par moyens cryptés afin de protéger ses sources et de transmettre les documents de manière sécurisée. “’Il y a de nombreux moyens pour remonter à l’origine des documents, les méta-données peuvent parler”, avertit-il.  “On a utilisé une boîte morte avec Raphaël Halet - procédé qui consiste à créer et partager une fausse adresse mail, et à y laisser les documents en pièces jointes dans des brouillons - parce qu’il me paraissait nécessaire de pouvoir le protéger au maximum quand on échange.

 

Un procédé efficace, car si Pricewaterhousecoopers a établi que Raphaël communiquait avec Edouard Perrin en perquisitionnant sa maison, le cabinet d’audit n’a pas pu établir de quelle nature relevaient ces échanges. “De ce qui est passé par la boîte morte, ils n’ont rien retrouvé”, indique le journaliste. De son côté, le lanceur assure que le journaliste a tenu sa parole : “il m’avait promis l’anonymat, il l’a toujours respecté”.

Quelle relation entre les lanceurs et les médias ?

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Comment allons-nous procéder ?

Si vous faites ça mon supérieur va deviner que les informations viennent de moi…

Plusieurs options s’offrent aux lanceurs pour médiatiser leur affaire. Raphaël Halet a choisi de contacter le journaliste d’investigation Edouard Perrin via la boîte mail de l’agence Premières Lignes après avoir vu la diffusion de son enquête sur le cabinet PricewaterhouseCoopers. “Il était déjà bien informé par rapport à l’évasion fiscale au Luxembourg”, justifie le Mosellan, "c’est aussi parce que c’était mon seul canal pour lancer l'alerte".

 

Cette première enquête, le journaliste a pu la mener grâce aux documents d’Antoine Deltour. Il avait découvert l’ancien auditeur de PwC grâce à l’un de ses commentaires sur un blog de Libération traitant de fiscalité. Alors en pleine recherche préalable à son enquête, cet avis éclairé a incité Edouard Perrin à contacter son auteur pour en apprendre davantage.

 

"Ce n'est pas que le risque juridique, c'est aussi celui de raconter n'importe quoi au public"

 

Les journalistes et ONG qui travaillent sur de telles affaires vont vérifier les déclarations des lanceurs d’alerte via "tout un tas de filtres qui permettent de publier”, explique Edouard Perrin avant de les énumérer : demander à rencontrer de visu le lanceur “pour jauger la personne, voir ce qu’il a dans le ventre”, authentifier les documents, vérifier si les chiffres avancés peuvent être corroborés par d’autres sources, contacter les entreprises impliquées pour prendre leur point de vue...

 

Les motivations derrière les révélations sont elles aussi passées au crible. “Au journaliste de savoir d’où viennent les informations”, met en garde Edouard Perrin. “Il faut vérifier si elles servent l’intérêt public ou sont le moyen de servir des intérêts cachés”.

 

Ce processus de vérification nécessite du temps : plus d'un an s'écoule entre le moment où Raphaël Halet a contacté Edouard Perrin en mai 2012 et la sortie du documentaire. “On ne peut pas se permettre de raconter tout et n’importe quoi et de se retrouver en diffamation. Ce n’est pas que le risque juridique, c’est aussi celui de raconter n’importe quoi au public”, insiste le journaliste.

 

Comment médiatiser son alerte ?

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J’ai des mails et des rapports de tests qui ont été modifiés du tout au tout en l’espace d’un mois sans qu’aucune nouvelle recherche ne le justifie.

Je vous avoue que je suis un peu stressé...